Notre hommage : Le Pays Basque peut être fier d’avoir des intellectuels de l’ombre comme Lucien Etxezaharreta, ou plutôt des intellectuels de la lumière tant il a fait, au coeur du collectif Maiatz (mai en basque) pour faire basculer l’euskara dans la modernité en s’inspirant du langage de rue le plus cru, comme de la poésie la plus subtile, Lucien Etxezaharreta est plus qu’un auteur, c’est un accoucheur d’auteurs, et nous lui en sommes immensément reconnaissants.
Journaliste de profession, il continu à défendre inlassablement la littérature basque en Iparralde à travers la revue littéraire Maiatz qui publie des poésies, des nouvelles, et des traductions de textes majeurs, et bien entendu via ses émissions à la radio Gure Irratia où il démontre à ceux qui parlent basque la richesse de son vocabulaire et la douceur de son phrasé.
Bien entendu, à travers de son métier passion, il connaît tous les auditeurs et des lecteurs du Labourd, de la Soule et de Basse-Navarre, mais également ceux d’Hegoalde.
Même si aujourd’hui des structures existent pour valoriser la littérature basque, le chemin a été long pour Lucien et tous ceux qui ont démarré dans les années soixante… Il y a donc près de 70 ans…
Étudiant en 1964, Lucien a débuté dans la revue » Egia » des étudiants basques de Bordeaux. En regroupant divers groupes de Pau, Paris, Bordeaux et Toulouse, lui et ses complices ont créé la revue « Ikasle » en 67 qui dura jusqu’en 69. Ensuite comme beaucoup d’autres écrivains, il a débuté dans l’hebdomadaire Herria, en écrivant quelques chroniques, particulièrement sur la vie des étudiants.
Dès ses débuts, il s’est vite rendu compte de l’importance de l’euskara pour la culture basque. Les abertzale en Iparralde, autour d’Enbata, étaient des euskaltzale, des « bascophiles » réclamant déjà un statut pour l’euskara. Il faut dire que dans les années soixante, l’euskara ne constituait pas une priorité pour la République française. Il n’existait même pas de dictionnaire basque. Les jeunes auteurs comme Lucien n’avaient que le lexique de Tournier Lafitte ou celui de Lhande pour se corriger, alors ils faisaient des stages, notamment dans des associations comme » Amaia » et qui les a inspirés. Dans ce cadre, Lucien et ses camarades ont ainsi invité Pierre Lafitte, l’auteur de la fameuse grammaire qui leur a raconté l’histoire de la littérature basque au cours d’une conférence mémorable à Landagoyen (Ustaritz). C’est le coup de foudre, la vocation.
Comme beaucoup d’autres, Lucien intègre alors la promotion de la littérature en euskara dans les priorités de la défense du Pays Basque, estimant fondamental de disposer de romans pour conserver et apprendre la langue et de recenser les auteurs qui l’utilisent.
C’est dans le but de défendre la littérature qu’il crée la revue Maiatz, pour offrir un espace de création aux écrivains d’Iparralde. Avec cette ambition, il organise fin des années 70 une réunion à Bellocq à laquelle il convie tous les écrivains connus au Nord. Lors de ce séminaire, il réalise que de nombreux étudiants, ingénieurs ou enseignants ont la facilité de s’exprimer et d’écrire en basque, des auteurs potentiels donc. Avec les plus âgés, Piarres Charritton ou Iratzeder, se trouvent des jeunes, comme l’auteure Itxaro Borda, qui écrivait depuis l’âge de dix ans, et qui révèle déjà son immense talent.
Dans ces années-là, la revue « Gure Herria » a déjà disparu et même si l’hebdomadaire Herria propose quelque place à la création littéraire, en fait aucun lieu n’existe pour écrire du côté « français » du Pays Basque. Le franquisme qui sévit en Hegoalde, ferme toutes les portes, même s’il existe un engouement autour de jeunes auteurs basques, c’est encore la clandestinité pour beaucoup même si les prémisses d’une sorte de renaissance culturelle sont déjà là.
Face au bouillonnement culturel d’Hegoalde, et aux dizaines d’auteurs qui en émergent, Lucien et ses amis sentent qu’ils doivent faire quelque chose pour l’Iparralde, histoire d’équilibrer un peu les choses…
À l’époque, Lucien a quitté la vie parisienne et s’est lancé dans la radio depuis 1981. Il est resté en contact avec Itxaro Borda et une nouvelle génération d’auteurs comme Aurelia Arkotxa, Eñaut Etxamendi, Mayi Pelot, Manex Lanathua. Des jeunes plumes qui avaient l’envie de décrire le monde changeant de cette époque avec leurs propres mots. Rappelons que les socialistes venaient d’arriver au pouvoir et que tous les rêves semblaient possibles…
En Iparralde, beaucoup de jeunes bascophones ont quitté le pays et les effets néfastes de la télévision française commencent à affaiblir l’euskara qui est devenu ringard chez la plupart des adolescents qui lui préfèrent l’anglais ou l’espagnol.
L’ancienne association publique Euskaltzaleen Biltzarra qui oeuvrait pour la défense de la langue basque perd tout prestige et efficacité, Ikas balbutiait encore malgré sa belle volonté. Il y avait un grand vide autour de l’euskara. Après la réunion de Belloc, Lucien et les futurs Maiatziens ont pensé qu’ils avaient les moyens de créer autre chose.
Il leur semble en effet qu’au regard de la situation, et malgré leurs qualités, des revues conservatrices comme Gure Herria ne sont pas capables de stimuler la nouvelle génération, de la porter. Afin d’impulser un renouvellement nécessaire, ils créent donc Maiatz en 1982.
Cependant, créer la revue se révèle plus difficile que prévu, ils doivent apprendre un nouveau métier. Lucien et ses jeunes éditeurs rencontrent beaucoup de problèmes pratiques et financiers pour publier les deux premiers numéros, mais le succès est au rendez-vous dès le premier opus, et cette surprise encourage toute l’équipe.
D’année en année les conditions s’améliorent et l’Institut Culturel Basque leur attribue une subvention.
À partir de 1984, l’équipe de Maiatz se met même à publier des livres. Une centaine aujourd’hui. Le premier fut celui d’Itxaro Borda cofondatrice de l’association.
Plusieurs auteurs sont ainsi « nés »: Aurelia Arkotxa, Manex Lanathua, Henriette Aire, Maddi Pelot, Jakes Ahamendaburu, Mailuix Legorburu, Koldo Ameztoi et d’autres. Le premier titre est toujours inoubliable pour un auteur, c’est ce premier ouvrage qui fait de lui un écrivain.
Aujourd’hui Lucien Etxezaharreta n’a rien perdu de sa passion, il sait que la littérature basque est structurante de notre culture et qu’elle intègre elle-même toutes les évolutions du monde au-delà de celles d’Iparralde, d’Euskadi et de la Navarre.
Sous l’influence du batua, le basque unifié, et des nouveaux médias comme Internet ou Netflix, l’euskara évolue avec son environnement, il s’enrichit d’expressions actuelles, mais hélas s’appauvrit aussi, chaque fois qu’un ancien qui le parlait, ce que Lucien appelle un livre vivant, disparaît emportant toute sa mémoire et ses expressions avec lui.
Cependant, grâce à Lucien Etxezaharreta, Itxaro Borda et tous les auteurs de Maiatz, l’euskara a traversé en Iparralde ses années les plus difficiles de 70 à 90. Nul ne peut savoir ce qui serait arrivé s’ils n’avaient été là, tant sur les plans littéraires, que culturels (chant, théâtre), et par rebond politique (abertsalisme)…
Car sans eux, l’urgence de préserver le basque ne serait probablement pas aussi forte, tout simplement parce qu’il n’y aurait plus grand-chose à préserver… Sans eux, les joutes de bertsulari n’auraient probablement pas connu l’engouement de ces dernières années faute d’artistes pour déclamer de la poésie contemporaine en basque, en rimes et en rythme, et faute de public éduqué pour les comprendre et les aimer.
L’enseignement du basque chez les adultes reste un défi collectif immense, mais au regard de ce qu’a fait Maiatz et Lucien Etxezaharreta, nous sommes désormais en droit de penser que tout est encore possible, que la littérature est la sève de notre culture, comme la volonté des hommes comme lui est l’encre qu’utilise le monde pour écrire le destin des peuples qui refusent d’oublier ce qu’ils sont, et qui osent encore se rêver un avenir quand les autres y renoncent.
Merci à vous cher Lucien Etxezaharreta, vous êtes un grand monsieur, une belle plume, un grand cœur de papier, un éditeur sensible et un faiseur d’auteurs de talent. Sachez que nous le savons et que nous ne l’oublierons jamais… La preuve !
© Franck Sallaberry pourl’institut Pays Basque Excellence.
© Franck Sallaberry
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