NOTRE HOMMAGE : Paul Azoulay, c’est un peu l’arrière-petit-fils spirituel de l’Albert Cohen de Mangeclous et du Proust de A la recherche du Temps perdu… Un auteur d’une culture rare et d’un humour subtil, fascinant à suivre, car ouvrage après ouvrage il réalise un travail d’archéologue culturel, ici, au Pays Basque, explorant les petits et les grands objets de notre Pop Culture locale comme les grands et les petits souvenirs qui font les petites et les grandes gens…
Paul Azoulay est en effet le roi des Bascotilles, ces petits objets décoratifs ou publicitaires qui sont ancrés dans nos souvenirs et qui tout en surfant sur notre culture folklorique ou publicitaire locale, l’ont également façonnée et inspirée, en retour.
Cependant, Paul Azoulay est bien plus que cela, c’est également le roi des chroniques de la côte Basque, comme Armistead Maupin le fût de San Francisco, car l’homme est un mondain, mais un mondain comme on les aime, de ces êtres intelligents et charmants qui ne se contentent pas de soulever l’écume festive de la bonne société autoproclamée, mais qui l’explore, la dissèque, l’analyse pour lui donner du sens et révéler son humanité.
On voit ainsi à travers son livre Leïla, les mille et une nuits de Biarritz, une description de l’époque où cette femme incroyable fut la patronne du Ruby’s, des années 60 à 80. Il dresse d’elle et de sa tribu d’éternels fêtards un portrait tendre et sensible qui fait penser à un Francis Scott Fitzgerald moderne, décrivant parfois le superficiel pour faire ressortir tout ce que l’existence a de plus profond, comme un dallage noir et blanc révèle les pas des chanceux traversant les halls des palaces, en leur rappelant que la vie est un tapis de jeu sombre et lumineux, cruel et généreux, les invitant à profiter de chaque instant avant que la roue ne tourne et que la boule ne tombe sur une autre couleur…
Il y a ce contraste dans le travail de Paul Azoulay, et l’intérêt qu’il porte aux petits objets, n’est là que pour révéler la grandeur fragile ce qu’il y eut autour, c’est à dire nous, à tous les âges de nos vies, nous qui contemplions ces gadgets aux couleurs de Biarritz, ces illustrations criardes d’opérettes imaginaires, ou ces boîtes à biscuits ornées d’une croix ou d’un drapeau basque ventant la gourmandise des bergers d’entant, avec des regards fascinés, amusés, intrigués, par la superficialité rassurante de ces pacotilles qui étaient souvent les premières marches de notre culture à venir.
Son ouvrage Un Sujet, Un Objet, est d’ailleurs très signifiant de son travail de sociologue culturel, où il fait le portrait d’une centaine de personnalités à qui il demande d’apporter un objet qui leur est cher. À travers ces rencontres dignes d’un programme court de télévision, il explore l’âme humaine, sans en avoir l’air, croque en quelques lignes un destin et du caractère, un objet et de l’extraordinaire, et nous interroge, nous, sur ce que nous laisserons derrière…
Merci donc Monsieur Azoulay, pour l’immense travail que vous faites à la fois comme archéologue du XXe siècle, ethnologue des gens d’ici, chineur de souvenirs incroyables, brocanteur de raretés oubliées, malicieux amoureux de la vie et de ceux qui l’incarnent…
Votre travail unique, immense et précieux ne sera jamais oublié, et votre vie que vous vous souhaitons très longue, restera à jamais pour nous, un incroyable cabinet des curiosités que nous aurons toujours un immense plaisir à visiter.
© Franck Sallaberry pour l’Institut Pays Basque Excellence // Crédit Photo : Merci Sud Ouest !
VOUS
Quel héros vous fascinait quand vous étiez enfant ?
J’avais le malheur d’être un très bon élève, très en avance puisque je suis rentré en sixième à neuf ans. Je passais ma vie dans les livres et mon héros était Robin des Bois. Utiliser sa force, sa ruse et son courage physique pour défendre les autres et non soi-même, je trouvais cela extraordinaire.
L’amitié et le doute. J’ai connu mon meilleur ami sur les bancs du cours préparatoire, il y a soixante ans. Nous ne sommes absolument pas d’accord politiquement et nous nous offrons de belles prises de bec, mais il peut me demander n’importe quoi et je serai là dans la seconde. Même chose pour mes amis du rugby, que je connais pour la plupart depuis quarante-cinq ans. Décider de laisser un ami sur le bord du chemin, parce que nous ne sommes plus compatibles, est la chose la plus difficile qui soit pour moi. Le doute est aussi une valeur essentielle, sans doute parce que dans les milieux du journalisme et de la politique, j’ai trop côtoyé de claironnantes certitudes. C’est le doute, la remise en cause permanente de ce qu’on croit savoir et comprendre, qui permet d’avancer dans l’existence. Mais doute ne veut pas dire indécision. En bon talonneur, une fois la décision prise, je sais être fonceur.
Quel souvenir aimeriez-vous laisser à ceux que vous aimez ?
Cabochard, colérique, capable d’une mauvaise foi abyssale, j’accepte complètement ce jugement de mes proches, du moment qu’on me reconnaît sincère dans ce que je fais. Ma grande fierté est d’aimer la même femme depuis trente-cinq ans, moi l’enfant de divorcés. Quant à ceux qui me lisent, j’espère qu’ils me décernent mentalement le titre de « vieillard le plus emmerdant de Biarritz ». J’ai quelques concurrents, mais d’après Veunac et Lafite, je suis en très bonne voie.
VOTRE TRAVAIL
Quel a été votre premier job dans la vie ?
Le plus gros producteur de fraises et framboises d’Europe se trouvait dans le village charentais où j’ai été élevé. Naturellement dès quatorze ans j’y ai travaillé pendant les vacances. Comme ma mère nous élevait seule, j’ai cumulé les petits boulots pour financer mes études, déménageur, pompiste, vendangeur, figurant dans les opérettes au théâtre municipal de Limoges, aide-cuisinier dans un restaurant parisien. Ne cherchez pas ailleurs mon ancrage à gauche. J’ai pu constater personnellement que l’imagination des patrons pour entuber leurs salariés était sans limite. Parfois, j’ai été obligé de faire le coup de poing pour défendre mes intérêts. J’en suis fier.
A quoi ressemble une de vos journées ?
À rien, puisque c’est quand j’ai l’air de ne pas travailler que je travaille le plus ! J’ai la chance de peu dormir, ce qui me fait gagner du temps. Ensuite, quand j’ai un article difficile à rédiger ou quand j’écris un livre, je pars me promener ou faire du sport pour « écrire » mon papier dans ma tête. En fait, je suis physiquement présent quelque part, mais souvent totalement absent, ce qui est pénible pour mon entourage. Ma femme me surnomme « la fée du logis » et je crois bien que c’est moqueur. En fait, je cherche le titre qui va faire rire, l’attaque qui va surprendre, l’expression insolite. Je ne me mets devant l’ordinateur que quand tout est en ordre dans ma tête.
Ensuite, comme tous les pères, je consacre beaucoup de temps à mon dernier-né, l’association RamDam 64-40, une association de citoyens décidés à se faire entendre. Il y a tellement de politiques nécessiteux que nous sommes obligés de nous montrer économes de notre vindicte ! Nous sommes désormais plus de cinquante membres, de tous bords politiques, à surveiller de près la vie publique de notre territoire des Landes et Pyrénées-Atlantiques. Nous avons parfois des engueulades magnifiques, mais qu’est-ce qu’on apprend, qu’est-ce qu’on progresse avec cette petite école de lanceurs d’alerte. Et quel plaisir de remettre aux politiques les plus talentueux chaque année, les klaxons d’or, d’argent et de béton !
Quelles sont les qualités professionnelles que vous appréciez ?
Le talent, parce que je suis un besogneux. Et j’aime aussi l’audace, l’esprit de recherche, la volonté de sortir des sentiers battus et de ne pas servir une soupe tiède aux lecteurs. Je crois au journalisme de combat, pas au journalisme de constat.
VOTRE PAYS BASQUE
Quel est votre meilleur souvenir au Pays basque ?
Je viens ici depuis 1969 et j’ai envie de dire que mon meilleur souvenir, ce sont les hommes qui peuplent le Pays basque. Pour parodier Mitterrand parlant de Roland Dumas et de Robert Badinter, j’ai eu Paris pour le tordu et j’ai le Pays basque pour le droit. Tout n’est pas parfait, sinon ce ne serait pas une société humaine, mais derrière une certaine rudesse liée à des caractères bien tranchés, il y a de la droiture, de la chaleur humaine et de la fidélité. Je plains les néo-retraités qui se sont installés ici uniquement pour la carte postale et qui mourront sans avoir compris quoi que ce soit à ce pays.
Quels sont les endroits que vous aimez fréquenter ?
C’est un émerveillement chronique d’habiter au quotidien une région qui fait rêver tous ceux qui s’y précipitent pour les vacances. J’aime tout au Pays basque, mais je crois que ce que je préfère, c’est décembre ou janvier au large de Saint-Jean-de-Luz à pêcher la daurade avec les copains. L’air est cristallin et débarrassé de toute brume de chaleur et la neige souligne délicatement les sommets pyrénéens. D’accord, parfois on se fait bien secouer par l’océan et il ne fait pas toujours très chaud, mais un bonheur ne saurait être parfait.
À quoi ressemblerait votre Pays Basque Idéal ?
Votre réponse
VOTRE QUESTION
Quelle question aimeriez vous poser si vous étiez sûr(e) d’avoir la réponse ?
Quelle malédiction frappe Biarritz pour avoir hérité d’un duo aussi improbable que Michel Veunac et Guy Lafite pour diriger cette ville ? Aurons-nous un jour un maire et un premier adjoint qui tiendront compte de leurs administrés ?